La confiance mitigée dans le poêle à pétrole nous incite à entrebaîller légèrement les fenêtres. Le bruit continue de la cascade associé à la crainte de voir débarquer un des avinés (l'un d'eux se heurtera d'ailleurs à notre porte fermée), Morphé nous accueille en son royaume près de douze heures durant. Réparateur! Nous commençons à nous débarrasser des malles que nous avions sous les yeux.

Dimanche 18 avril 2010.

Réveil fort frais, chauffage au minimum et fenêtres obligent. Nous descendons pour une collation matinale que nous pensions légère et qui se révèle tant; succulante que copieuse, quoique nous ayons pu lire sur notre fiche d'acceuil (onsen isolé = repas frugal en exagérant). Bains pour se réchauffer, puis promenade digestive afin de pouvoir leur laisser le temps de s' occupper de la chambre. Nous montons par un petit sentier plus haut dans la montagne; l'horizon est bouché par de petites congères, oscillant tantôt entre deux et cinq mètres. Après un passage périlleux au dessus du torrent via une vénérable paserelle praticable sur vingt centimètres de large, jetée par dessus le cours et couverte d'un dôme de neige servant d' éventuelle rambarde, nous atteignons l'onsen suivant. A ce propos Lilou fit preuve d'un courage exceptionnel pour franchir l'obstacle, agrippée et tirée par son guide. Ce dernier est en travaux, au milieu de la Terre qui fume, boue, s'effrite et s'enfonce sous les pieds. Retour à la chambre, un peu de travail, la constation qu'il n'y a pas de salle de bain hors un des onsens extérieurs muni de bassines, savons dans sa cabane de planches. Surprise, on nous propose un repas de midi inattendu: deux bols de ramen bouillants. Il faudra bien celà, car constatant que nous avions baissé le chauffage pour dormir, ils nous l'ont coupé. Problème: comment le rallumer sans qu'il nous explose à la figure. En désespoir de cause: petite sieste...de cinq heures sous la couette. Au réveil: surprise: nous formons de la buée avec notre respiration dans la chambre même. Il faudra se résoudre après un deuxième dîner fort copieux pour demander à l'oba-san par gestes et deux trois mots de nous le rallumer. Mari appelé aux ordres, au bon fond mais bougon car ne sachant pas comment gérer un mur du langage quasi absolu. C'est enfin rallumé! Oh joie intense, fascination absolue, quasi vénération; qu'il compréhensible qu'il soit l'un des éléments majeurs de l'homme, un dieu même pour ses premières civilisations...Un fond de paganisme s'emparerait même d'une certaine frigorifiée. A ce point que je serai le seul à retourner me baigner de nuit sous un crachin fort insistant. Pour sa défense, avec cinq de jours de retard sur moi-même, elle découvrait de manière encore plus soutenue qu'à Hakodate cet élément anatomique que l'on appelle la trompe d'Eustache. Dernier dîner difficilement terminé de part son abondance. Nous allons sans doute attendre un peu quand nous rentrerons pour ne pas abîmer nos balances. Nous nous effondrons dans une chambre enfin douillettement chaude.

Lundi 19 avril 2010.

Réveil aux aurores, le bus partant à 7h50. Calés une fois de plus par le petit déjeuner, nous quittons nos hôtes qui nous ont curieusement fait grâce de la moitié de la majoration liée au chauffage. Le patron nous propose gentiment de nous épargner les vingt minutes nécessaires pour rejoindre le bus (sous l'injonction fort probable de sa femme). Les amortisseurs de ce dernier protestant à notre montée, il finira néanmoins par nous mener à la gare de Tazawako d'où nous rejoindrons Tsumago après ... quelques bonnes heures des transport: il est 15H00! Promenade dans cette rue où le temps s'est arrêté à la fin de l'ère d'Edo (fin XIXè siècle). Re dîner copieux avec un acceuil toujours aussi impeccable, mais la sensation de se sentir plus à la maison.

Mardi 20 avril 2010.

Tôt ce matin, un taxi a accepté d'emmener la valise à la ville suivante...contre une certaine compensation financière. Nous terminons la visite de Tsumago, effectuons en bon touriste quelques achats, et , lestés de ces derniers, partons à l' ascension du col pour rejoindre Magomé via la route crée dès le VIIIè siècle de notre ère. Une pluie intermitante puis incessante, ponctue de son chant le parcours. Cela monte sur près de six kilomètres avant de descendre sur les deux derniers. Nous apprécions à leur juste valeurs certaines portions dont les derniers travaux de voirie remontent aux premiers temps de son établissement. La fatigue rôde, s'insinuant en nous telle l'eau de la pluie persistante venant à bout de nos vêtements. Pluie qui magnifie les superbes paysages que nous découvrons à chaque pas. Les couleurs s'en trouvent ravivées. Tant la cascade dite de l'homme, large et imposante, que celle de la femme, plus délicate, s'en trouvent embellies. Puis le froid et la soif décident d'accompagner les courbatures naissantes. Miraculeusement, alors qu'il m'avait toujours été fermé, le refuge, de l'époque d'Edo, est ouvert. Deux vieux nous y invitent, réchauffant coeurs et âmes au thé et au saké maison chauds. Nous repartons revigorés pour les trois derniers kilomètres. Au col, au tarif du col, quelques boullettes de riz fourrées pour se sustenter. Et enfin...la descente!. Epuisés mais heureux, nous atteignons Magomé, dont le cachet est moindre. L'incendie qui la ravagea presque totalement en 1915 y étant pour beaucoup. Malgré une reconstruction soigneuse, la patine du temps est difficilement imitable. De délicieuses brioches à la viande et aux marrons plus tard, nous repartons vers le bus ... manqué de cinq minutes! Les sauterelles caramélisées ne sont plus en vente, ou en rupture de stock, malgré d'attentives recherches. C'est fort dommage. Bus, puis billets pris à l'aide d'un yankie bavard, roublard, baroudeur fini et fidèle à bord du vaisseau Japon depuis plus de trente ans et cultivant sa différence. Sa femme japonaise, invisible, n'ayant pas suivi son électron libre pour une virée en dehors de leur tour opérator. Nous arrivons enfin à Kyoto, au ryokan Yamazaki. Le ryokan yamazaki, que nombre d'entre vous connaît, nous acceuille à bras ouverts, nous remerciant pour notre fidélité. D'où un énième repas aux multiples suppléments offerts en guise de remerciement. Quelques nouveautés: pour compléter les douches glaciales que nous avions connues: une salle de bain avec bain japonais automatique totalement chaufée; des toilettes Toto dernières génération, automatiques grâce à de judicieux détecteurs hors la gestion du jet: large ou étroit, à position, température, puissance réglables et tirage automatique de la chasse; le wifi avec un très bon débit... Bref, on se sent chez soi, c'est très appréciable. Nous retrouvons sur place pour parfaire le décors, le professeur d'université Serge Salat accompagné d'une étudiante. Fiers comme Artaban, reconnaissant qu'on lui fait trop d'hommages, d'un abord sympathique: version à peine édulcorée du yankie de soixante ans rencontré quelques heures auparavant. Wifi aidant, nous découvrons, après cinq jours coupés du monde et du réseau... que c'est la pagaille en Europe pour quelques nuages de cendres si agréablement abrasives dans les moteurs d'avions. Cela augure du futur quand nous n'aurons plus de quoi les faire voler. Les journalistes, s'ils peuvent encore mériter ce titre quand il valait des Albert Londres... sont heureux de pouvoir varier les marronniers qu'ils nous servent!

Mercredi 21 avril 2010.

Reposés, ayant provisoirement quitté le teint blafard que nous avions en quittant la France, nous partons en visite des différents lieux de Kyoto. Problème, sans vélos c'est long, nous aurions dû en louer dès le matin. La découverte ser paritelle. Une mention spéciale pour le ginkakuji dont la réfection, achevée, était en cours d'iconographie par un professionnel avec une chambre à plaques de format sans doute 18cm/24cm. Avec la résolution d'une plaque à 50ASA, aucun numérique actuel ne peut suivre. Les Soleil étant de la partie, de jolies photos seront avec nous dans les bagages. Enfin, chemin de la philosophie..en travaux...puis de trop long trajets à pied pour atteindre Gion sans voir aucune gaisha, et une arrivée trop tardive, sauf pour les boutiques de souvenirs, au temple suivant. rentrés claqués après près de quinze kilomètres à pieds: dodo.

Jeudi 22 avril.

Certains hurleront mais nous n'avons pas assez de forces pour rejoindre Nara ou bien le temple d'Inari. Ce sera journée calme et visite des allées marchandes couvertes. Puis, avec un plan incomplet, la recherche d'une certaine boutique de kimonos et enfin un retour. Quelques lignes pour beaucoup de temps passé à vagabonder : boutique à cent yens, marché de poissons et autres, bref: plein les mirettes. Achat de pellicules, d'une nouvelle valise (cela devient un habitude), bagages faits avant de ses coucher pour un départ au matin.

Vendredi 23 avril.

Arrivés à la gare de Kyoto: une très mauvaise surprise: la trajet pour Tokyo m'étrangle à moitié. Nous aurions dû prendre un JR Pass de quinze jours. Nous ne l'aurions utilisé que douze mais rentabilisé néanmoins. Au moins nous découvrons le Nozomi, plus rapide, confortable, suspendu et silencieux que le TGV: dormir est possible. Ryokan, bagages déposés: en route pour le musée Ghibli. Elle est émerveillée, le court-métrage est fort sympathique, l'exposition actuelle, sur Ponyo, fort bien pensée avecen son centre près d'un mètre cube de dessins A4, 50g/m², nécessaires à sa réalisation. Baccara a encore frappé. Après le pendentif de Laputa à ...34 000 Yens (280€), des Ponyos et l'arquebuse de Naussica à 365 000 Yens (3000€!) et d'autres qui auront le mérite d'être dans nos moyens. Retour en passant par la patisserie Flo de la gare de Mitaka tenue par un français depuis son ouverture vingt-cinq ans auparavant. Arrivée au Ryokan, dîner des plats de rizotto au crabe (excellent) de chez Flo. Bain japonais, et rattrapage du retard dans le blog. ( Tout taper depuis le 19!) On publie, mettra les images plus tard et file se coucher.